SYNOPSIS :

La Première guerre mondiale a fortement marqué la Creuse, département rural du centre de la France au long déclin démographique, travaillée par des éleveurs attachés à leurs terres. Dans le nord du plateau de Millevaches, près de la moitié des mobilisés ne sont jamais rentrés chez eux. Marquée comme beaucoup de régions françaises par une saignée de sa jeunesse, la Creuse fut aussi le lieu de faits marquants mais néanmoins largement méconnus de la Révolution russe. En 1917, à La Courtine, chef-lieu de canton, plusieurs milliers de soldats russes se sont organisés en soviet, réclamant leur retour au pays, refusant de continuer la guerre et de se soumettre à l’autorité des gradés.

Ce film retrace à travers les souvenirs des habitants creusois actuels, l’extraordinaire aventure de ces ouvriers et paysans russes dans la campagne creusoise.

Le soviet de La Courtine a-t-il marqué cette région ? A-t-il eu une influence sur la politique creusoise et sur le large mouvement pour la paix qui s'est dessiné à la sortie de la guerre ? En reste-t-il des empreintes dans le paysage ? Que reste-t-il aujourd’hui de cet épisode dans la mémoire des habitants ?

La mutinerie de La Courtine est une histoire méconnue et oubliée. C’est la raison pour laquelle il est important de la faire revivre grâce à ce film documentaire afin d’en garder une trace dans la mémoire collective.

Rappelons brièvement quelques faits historiques : (cliquer sur spoiler)

Les évènements se déroulent entre juillet et septembre 1917. L’Europe est en guerre depuis trois ans. En 1916 le tsar de Russie, Nicolas II envoie des troupes pour soutenir la France et l’Angleterre dans leur guerre contre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. 20 000 hommes débarquent en France et participent notamment à l’offensive NIVELLE (tristement connue par l’hécatombe du « chemin des dames » et les « fusillés pour l’exemple » français). Les troupes russes subissent de lourdes pertes.

Au même moment, au printemps 1917 c’est le début de la révolution en Russie. Le tsar Nicolas II est renversé et le gouvernement provisoire décide de poursuivre la guerre au coté des alliés. Le processus révolutionnaire s’amplifie en Russie, avec une influence de plus en plus grande des bolchéviques. Ces évènements parviennent aux troupes restées en France. Des mouvements de protestation s’enclenchent alors jusqu’au refus d’obéir aux officiers et de continuer la guerre. De peur que ces idées révolutionnaires ne « contaminent » les soldats français, les brigades russes reconstituées sont envoyées loin du front, au camp militaire de La Courtine dans la Creuse.

Les soldats russes, armés, s’organisent alors en soviet à l’intérieur du camp : les généraux et officiers sont déchus de leurs commandements et rapidement expulsés. De nouvelles règles et un nouveau contrôle du camp sont organisés. Des meetings sont régulièrement tenus. Ils boivent du vin, jouent de la musique, ne reçoivent plus d’ordres et réclament leur retour en Russie.

Le gouvernement français s’impatiente et ordonne aux autorités russes de régler ce problème. Le 13 septembre des troupes françaises accompagnées de quelques soldats russes encerclent le camp militaire de La Courtine où sont retranchés environ 10000 hommes.

Encerclé, sans apport de vivres, le soviet est isolé mais ne se rend pas. Le 16 septembre l’ordre est donné d’ouvrir le feu contre eux. Aux premières salves des canons, les mutins répondent par des chants et une Marseillaise jouée par un orchestre. Apres plusieurs jours d’affrontement non équitable beaucoup se rendent, mais le soviet ne renonce pas. Le 19 septembre, la révolte de La Courtine est stoppée avec l’arrestation des porte-paroles.

NOS INTENTIONS :

Ces évènements, peu évoqués dans des documents filmiques, nous intriguent. Notre volonté de créer ce documentaire est motivée par le désir de nous inscrire dans ce lieu, de découvrir l’histoire de cette région, d’ouvrir certaines portes et de faire parler ces gens, largement isolés dans cette campagne rarement médiatisée. C’est pourquoi une grande importance sera donnée aux hommes et femmes rencontrés. Le documentaire ne comportera pas de voix off explicative et le documentariste n’apparaîtra pas à l’écran. Cependant sa présence subsistera, proche des micros, derrière la caméra.

Nous aborderons l’histoire du soviet de La Courtine de manière symbolique et poétique avec pour principal objectif de valoriser une terre, son histoire et les gens qui y vivent.

Ce documentaire de 26 minutes nous plongera dans la campagne creusoise actuelle et permettra de découvrir pour la majorité d’entre nous l’histoire méconnue du soviet de La Courtine. Il fera ressortir la permanence du combat pour des idéaux de paix et de refus de la guerre sur ce territoire.

Nous explorerons alors cette terre rebelle qui dévoilera certains de ses secrets et une partie de son histoire.

Par son apostrophe explicite le monument aux morts de Gentioux est le symbole d’une Creuse antimilitariste et pacifiste

DECOUPAGE NARRATIF :

Trois narrations différentes s’entremêleront dans ce film :

1- Les virgules, reconstitutions sonores originales des évènements de 1917

Ces poses imaginatives ponctueront le documentaire. Seront confrontées des images de la faune et de la flore de cette région avec des reconstitutions sonores d’évènements marquants du soviet de La Courtine. Musique, voix et bruits présenteront l’ambiance du camp. La caméra sera mouvante et accentuera le caractère imaginaire de ces virgules. La désynchronisation passagère entre l’image et le son, la confrontation de deux temps différents, actuel pour le visuel et historique pour le sonore, donneront à ce documentaire une dimension artistique. Ces créations visuelles et sonores ne montreront et ne démontreront pas, elles permettront un voyage interne propre à chaque spectateur.

2- L’aventure des soldats russes

Nous tracerons de manière chronologique l’histoire du soviet de La Courtine. Des paysans nous donneront des clés pour comprendre en nous menant dans cette campagne. La caméra suivra leurs pas dans les différents lieux des évènements. Les creusois d’aujourd’hui en nous racontant l’histoire de leur terre nous feront découvrir petit à petit l’histoire de ces paysans et ouvriers russes.

Tournés exclusivement en extérieur, ces passages laisseront transparaitre la rudesse de cette terre en conservant l’aspect poétique et mystérieux des virgules.

3- La résonance du soviet de La Courtine dans la vie de cette région

La recherche de l’histoire de cette mutinerie sera entrecoupée par des rencontres avec différents habitants, chez eux, qui nous raconteront comment cet évènement a marqué ou non leur région.

Ces échanges nous permetteront de voir si le soviet de La Courtine est simplement un évènement isolé ou s'il se rattache aux différentes luttes de justice sociale qui ont souvent et encore aujourd’hui animé le département de la Creuse et le plateau de Millevaches .

Nous aborderons notamment l’histoire du monument aux morts de Gentioux et du communisme rural en Creuse.

Les différentes figures locales, en nous racontant une anecdote, un souvenir se raconteront elles mêmes. Leurs voix marquées par le temps, les accents, les hésitations et les silences, laisseront transparaitre leurs personnalités. Ces personnes nous plongeront directement dans cette zone géographique grande de 50 km². Plus intimistes, avec des couleurs chaudes, ces séquences en intérieur rompront fortement avec celles tournées en extérieur.

Malgré un traitement filmique particulier à chacune, ces différentes narrations ne seront pas distinctes : en permanence des correspondances seront faites entre elles. Elles se complèteront et se répondront naturellement.

Millevaches, mémoire rebelle

Millevaches, mémoire rebelle